L’art de vivre
Notre nature nous incite à chercher sans répit le bonheur. C’est comme une faim en nous, un élan irrépressible, une espérance qui nourrit nos jours et nos rêves. Et puis, par instants, il surgit, du plus profond de nos cœurs, sans forcément être rattaché à une circonstance particulière, parfois même au beau milieu d’un moment difficile. C’est une bulle de vide, un instant suspendu, une légèreté qui a son poids, une présence. C’est notre faim qui trouve son objet, notre quête sa récompense et sa justification. C’est l’Art qui s’ouvre au cœur de notre vie.
Je veux croire que chacun a pu en faire l’expérience, les hommes mais aussi les bêtes, tout ce qui porte vie, pourquoi pas les plantes ? Pourquoi pas le chat soudainement subjugué, la feuille légère qui palpite sous la brise à la lumière de l’aurore ?…
Y a-t-il, pour cette fulgurance de la joie et dans chacun des systèmes, une traduction physiologique ? Comment peut se traduire, pour la jeune feuille tout juste éclose, cet instant privilégié d’adéquation avec la Nature, et pour nous, êtres dits conscients ? Si nous pouvions nous immiscer dans le métabolisme végétal de ce moment, découvririons-nous une accélération de la photosynthèse, une activation soudaine du métabolisme des mitochondries, ou tout autre phénomène tangible ? Et chez nous, dans les circonvolutions de notre cerveau, un soudain synchronisme des ondes lentes Delta, ou bien plus lentes Théta, ou encore très amples et rapides, nos ondes Gamma… ou serait-ce peut-être aussi une nouvelle sorte d’ondes non encore identifiées parce que trop subtiles ?
Percer le mystère de la joie revient sans doute à percer tous les mystères. Autant ne pas s’y contraindre mais nous prosterner, reconnaissants, devant son évidence lorsqu’elle nous fait la grâce d’advenir.
Pourtant, y aurait-il un moyen de reproduire, presque à loisir, ces instants, de contenter notre faim de joie, de ne plus limiter ce phénomène aux contingences du hasard, de le transformer en un dû, en une source où nous pourrions boire à la seconde de notre disponibilité ? Changer le rare en fréquent, l’exceptionnel en quotidien ? Nous changer.
Car nous changer changera notre regard sur le monde, changera le monde lui-même. « Que l’admiration soit dans ton regard et non dans la chose regardée ! » André Gide, Les nourritures terrestres. La véritable grâce est d’avoir en nous, en même temps que l’organe qui capte la beauté, la faim du beau. Cette affinité pour la splendeur nous ouvre grand les portes de l’infini. A nous de développer cet organe secret, de l’affiner à l’extrême, pour ne plus percevoir que le beau en chaque chose, pur diamant ou immondice.
Et voici : la vie nous a donné l’organe, notre cœur, et la méthode, la méditation du cœur. Notre cœur est le puits où étancher notre soif de beauté, et notre outil est la méditation, le sceau par lequel nous puisons. Le seau ne revient jamais vide : la beauté est là, on y prélève un quantum, un échantillon, mais le grand Tout y est, qui jamais ne tarit. L’infini dans le fini. Telle est bien la définition de la spiritualité selon André Compte Sponville : « Notre rapport fini à l’infini ».
Chaque acte de méditer renferme au moins un instant de pure Grâce, et rien n’est plus facile que d’en faire l’heureuse expérience chaque jour. Puis cette expérience méditative imprègne notre vie tout entière, cet instant de joie se multiplie, s’étire, se déploie, s’approfondit.
Et notre vie devient : art de vivre.
C’est tellement beau, je ne trouve pas mes mots … On veut toujours plus alors que le bonheur est à côté de nous, il faut être capable de le voir avec notre cœur…. Je partage sur facebook, j’ai besoin de le relire. Merci beaucoup !
Claudine
J'aimeAimé par 2 personnes